Initialement publiée dans l’émission #1
Les grands groupes de rock ont tous deux choses en commun: un grand guitariste, et un grand chanteur. C’est une condition sine qua non. Le reste c’est de la littérature.
Les Rolling Stones avec Keith Richards et Mick Jagger, Led zeppelin avec Jimmy Page et Robert Plant, AC/DC avec Angus Young et Bon Scott, Black Sabbath avec Tommy Iomi et Ozzy Osbourne, Aerosmith avec Joe Perry et Steven Tyler, bref, si on les faisait tous on trouverait presque toujours la paire gagnante.
Scorpions, groupe de hard rock allemand apparu au début des années 70, ne fait pas exception, bien qu’il ait quelques différences notables. En effet même si le grand chanteur en question, Klaus Meine, a toujours été là et est encore présent aujourd’hui, la place du guitariste a quelque peu évolué. D’abord sur son premier disque, Lonesome Crow, en 72, Mickael Schenker (frère de Rudolf, guitariste rythmique) tient la guitare lead, et on sent déjà le potentiel énorme du couple chant/guitare, malgré une musique tout sauf aboutie. Mais voilà, Mickael s’en va tout de suite derrière vers d’autres contrées métalliques pour rejoindre UFO. Le poste vacant est attribué à Ulrich Roth, alias Uli Jon Roth, énigmatique guitariste, virtuose comme l’était Schenker, mais en plus… disons… coloré!
La bande signe alors 4 albums en 4 ans (ouais je pense que les années étaient plus longues avant!), tous plutôt réussis, et finit sur un live d’anthologie enregistré au japon, symbole d’un succès grandissant. Mais voilà, une fois de plus, leur guitariste les plante. Roth préfère se concentrer sur une carrière solo, comme quoi, l’avenir le lui dira, mais il ne suffit pas de savoir bien jouer, pour faire de bons choix de carrière!
Pour la suite, le groupe, bien qu’il décide de recruter un nouveau guitariste lead en la personnalité plus effacée de Matthias Jabs, et d’accepter le coup de main de Mickael Schenker momentanément, décide de consolider le couple Rudolf Schenker / Klaus Meine, qu’on voyait déjà s’illustrer, avec succès, dans l’écriture de nombreuses chansons. Bizarrement les meilleures des 5 premiers albums! C’est de cette envie d’assumer pleinement l’absence d’un guitariste virtuose au centre de l’attention, que naît la deuxième, et la meilleure partie de la carrière de Scorpions.
Le disque qui concrétise cette nouvelle phase, c’est Lovedrive en 1979. Alors que le hard rock est doucement en train de se réinventer en Europe, Scorpions écrit 8 de ses plus grands titres, et signe ici son chef-d’œuvre.
Dès le début de Loving You Sunday Morning, on sait que ce disque est différent. On sent l’électricité dans l’air. Les guitares sont tranchantes, la basse est parfaitement à sa place, la batterie sobre, la production très soignée, et la voix magistrale de Klaus Meine qui n’a jamais été aussi éclatante! Les refrains s’ouvrent, les mélodies font mouche, tous les ingrédients sont réunis. Si ce premier morceau fait office de superbe intro hard rock mélodique, au même titre que la chanson éponyme, le Scorpion n’hésite pas à injecter son venin de brûlots acérés comme Another Piece of Meat ou Can’t Get Enough.
L’instrumental Coast To Coast qui clôt la première face fait figure de classique avec son thème chantable instantanément et compte parmi les meilleurs morceaux instrumentaux que le hard rock et le métal n’ait jamais enfanté.
Mais ce qui crée réellement la légende, ce sont les balades. Comment aujourd’hui parler de Scorpions autrement que le groupe qui nous a tous aidé à emballer des meufs au lycée? Enfin, je parle d’une génération plus ancienne hein, parce que bon, tout le monde sait qu’aujourd’hui, les gamins n’écoutent pas les vieux disques de Scorpions, et attendent encore moins le lycée pour emballer des meufs! Ils attendent au moins le CE2! Bref! Le fait est que les balades de Scorpions sont aujourd’hui connues dans le monde entier, un peu comme la choucroute ou les rênes du Papa Noël! Et c’est de cet album que tout a commencé! et oui jeunes gens! Il suffit d’écouter le refrain de Always Somewhere! Et hop, nous voilà transporté dans les soirées où les slows faisaient rage sur le dancefloor! Nostalgie, quand tu nous tiens…!
Blague à part, le disque compte aussi une surprise, et de taille! Avec Is There Anybody There, Scorpions signe ici… un reggae! Ben voyons! Il manquait plus que ça pour exaspérer les hardos les plus teigneux de l’époque. C’en est trop! On a déjà perdu un tiers du public!
Mais par contre, Scorpions fait venir des hordes de nouveaux fans, assoiffés de riffs endiablés et de mélodies entêtantes, de balades saturées et de solos de guitare langoureux! Le disque est un succès instantané et fait encore partie des meilleures ventes du groupe.
Dernier élément de poids, la pochette! Elle a forcément largement contribué au succès du disque! Évidemment, je ne vais pas vous la décrire, vous l’avez tous déjà vu au moins une fois dans votre vie. Le moins que l’on puisse dire c’est que les Scorpions ont décidément pris un abonnement aux pochettes sulfureuses, que les américains ont ADORÉ censurer! Aaaaah ces américains… ils sont tellement faciles à fâcher! Klaus Meine dira d’ailleurs qu’il avait été très étonné que la pochette soit censurée aux Etats-Unis car c’était le seul pays où des filles n’hésitaient pas à tomber le haut dans les concerts du groupe, comme quoi! Le paradoxe américain n’a pas de limites!
En attendant, Scorpions marque ici un tournant dans sa carrière et le début d’une décennie dorée pour le groupe.
Donc non, Scorpions n’a pas toujours été ce groupe de vieux dinosaures qui aligne les tournées d’adieux et se ridiculise toujours un peu plus, non! Assurément Scorpions reste et restera, et surtout avec ce disque, l’un des piliers de l’histoire du hard.